Séminaire du 7 février 2025 par Maryline Hamon, Psychologue
Ce séminaire, animé par Maryline Hamon, psychologue de l’enfance et de l’adolescence et directrice adjointe de la Maison de l’Adolescent du Val-de-Marne à Créteil, propose une analyse approfondie de l’adolescence et de ses enjeux. Cette structure départementale accompagne les adolescents et leur entourage face aux diverses problématiques rencontrées durant cette période charnière.
L’adolescence se caractérise par plusieurs dimensions qui s’interpénètrent. Sur le plan somatique, elle est marquée par des changements corporels visibles liés à la puberté, accompagnés de modifications physiologiques et hormonales. Des transformations neurologiques surviennent également, avec une prédominance du cerveau émotionnel et le développement de la pensée hypothético-déductive. L’adolescent doit alors gérer ce nouveau corps sexué qui change sans qu’il ait prise sur ces transformations.
La dimension psychologique est centrale, avec une phase intense de construction identitaire et d’autonomisation. Les relations avec les parents se modifient profondément tandis que les pairs gagnent en importance. L’intervenante souligne l’impact déterminant des liens d’attachement précoces (sécures ou insécures) sur le vécu adolescent. Cette période de rébellion et de recherche de limites est aussi celle du développement des compétences psychosociales, notamment l’estime de soi, souvent mise à mal par les multiples défis rencontrés. L’adolescence constitue à la fois une période de grande vulnérabilité et de potentiel, où peuvent émerger des questionnements existentiels profonds, mais aussi des pathologies psychiatriques lourdes.
Maryline Hamon rappelle que l’adolescence possède également une dimension culturelle et sociologique. Ce concept, apparu à l’époque des Lumières, n’est pas universel bien que la sortie de l’enfance existe dans toutes les sociétés. Le milieu social, l’histoire familiale, les parcours migratoires influencent considérablement cette expérience. L’intervenante évoque aussi une dimension différentielle selon le genre, avec des modes d’expression du malaise distincts : les filles manifestent davantage de comportements auto-agressifs tandis que les garçons tendent vers l’hétéro-agressivité.
Concernant la consommation de substances, la psychologue identifie trois grandes fonctions. La première, structurante dans le processus de construction identitaire, correspond à une conduite de transgression et d’expérimentation, souvent au début de l’adolescence, servant de mode d’intégration au groupe de pairs. La deuxième relève de la recherche de sensation et de l’affirmation d’un “droit à vivre”, court-circuitant les émotions négatives et compensant un rapport au monde insatisfaisant. La troisième fonction est celle de l’automédication pour gérer des angoisses, une dépression ou des troubles préexistants, pouvant parfois révéler l’entrée dans une pathologie psychiatrique.
La prise en charge des adolescents nécessite une approche systémique. “Un ado tout seul, ça n’existe pas”, rappelle l’intervenante, soulignant l’importance de l’environnement adulte. La séparation psychique se fait dans l’interaction et le conflit avec les parents, qui peuvent être à la fois source de problème et ressource pour la solution. Le travail avec les parents s’avère souvent déterminant dans l’amélioration de la situation.
Plusieurs freins au soin sont identifiés. Du côté de l’adolescent, on trouve la résistance liée à la stigmatisation du soin psychologique, la peur de la dépendance au thérapeute, ou encore le refus lié à un parcours de soins antérieur perçu comme traumatique. Du côté institutionnel, le manque de moyens, l’insuffisance du travail préalable pour créer un lien de confiance, le cloisonnement entre professionnels et une vision du soin comme préalable à toute autre intervention constituent des obstacles majeurs.
Face à ces défis, Maryline Hamon préconise une approche intégrée et collaborative. Elle insiste sur la nécessité de reconnaître la portée thérapeutique de l’action éducative et pédagogique, de décloisonner les champs sanitaire, éducatif et social, et d’inclure le jeune et son entourage dans la réflexion. La Maison de l’Adolescent du Val-de-Marne a développé plusieurs dispositifs innovants : des équipes mobiles qui vont à la rencontre des adolescents, un Groupe d’Appui aux Situations Complexes réunissant tous les professionnels autour d’un adolescent, et une consultation de médecine de l’adolescent.
En conclusion, l’intervenante souligne l’importance cruciale d’une collaboration entre professionnels de différents horizons pour accompagner au mieux les adolescents dans cette période charnière, en s’appuyant sur leurs ressources et celles de leur environnement plutôt que de se focaliser uniquement sur leurs difficultés.